Homélie du 4 mai 2025Cela n'a pas l'air d'aller fort chez les apôtres de Jésus ! Dans la barque de Pierre, ils ne sont plus que 7 sur 12. Et puis, imaginez un instant les sentiments de ces hommes sur cette barque, après une longue nuit sans avoir pris un seul poisson. Sentiment de frustration : tant d'efforts pour rien ! Critiques à peine voilées : « je l'avais bien dit, moi, qu'il ne fallait pas nous embarquer ! ». Fatalisme : « jamais rien n'a réussi dans notre vie, et même avec Jésus, nous avons échoué ! ». Et peut-être même un sentiment de défaitisme : « çà suffit ! Retournons chacun chez soi ». Il se peut aussi que l'autorité et les compétences de Pierre soient remises en question par les autres disciples. Pas un, en tout cas, ne prononce un mot qui réveille, un mot de confiance ou d'espérance. Autrement dit : on se demande où l'on va !
Ces 7 hommes, finalement, ils nous représentent tous. Ils sont nous-mêmes, notre monde si inquiétant, nos communautés chrétiennes en attente d’un nouveau pape, ou notre société avec notre tendance à chercher des boucs émissaires, à critiquer, à nous laisser dominer par l'amertume, la frustration, le défaitisme. « Je n'arriverai jamais à rien, je suis un incapable, je suis trop vieux, je ne sais rien, j'ai vécu une trop lourde épreuve ».
Ressaisissons-nous ! Tel peut être le message de ce dimanche !
Relisons cet évangile : « Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage ». Il était là, le matin, comme s'il y était resté toute la nuit.... sur le rivage, mais sans se faire reconnaître. Comment ne pas se rappeler ici le mystère d'Emmaüs, quand les deux disciples marchaient en compagnie de Jésus, mais leurs yeux étaient comme voilés, de sorte qu'ils ne pouvaient pas le reconnaître. Comment ne pas se rappeler aussi le mystère de Marie de Magdala : elle s'entretenait avec Jésus, au matin de Pâques, après la résurrection, et « elle ne savait pas que c'était lui ». Au cœur de chacune de nos vies, Jésus est là, toujours présent, seulement il y a des voiles devant nos yeux, bien souvent, qui empêchent de le reconnaître, parce que nous vivons telle ou telle situation, telle ou telle épreuve ...
Que fait Jésus ? Il n'accomplit pas de miracle, mais il pose une question lourde de sens :
les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? Autrement dit : vous n'avez rien à manger ? C'est une question pour nous tous. A chacun de nous, Jésus dit : de quoi nourris-tu ta vie ? Ta prière, ta lecture de la Parole de Dieu ? Est-ce quelque chose de solide pour toi ? Ou bien est-ce que tu te contentes de gestes ou d'habitudes qui te laissent vides ? Est-ce que les célébrations du dimanche te nourrissent le cœur et l'esprit, la foi et ton courage face à des épreuves ? Est-ce que tu sais rendre grâce lorsqu'un événement te réjouit le cœur ? Est-ce que tu sais dire merci à celles et ceux qui te viennent en aide, qui te conseillent, qui te visitent, qui te réconfortent ? Est-ce que tu nourris les autres de ton espérance, de tes convictions les plus vraies ?
Et à chacune de nos sociétés, Jésus dit : savez-vous donner du pain, favoriser la justice ? Quelles réponses donnez-vous aux cris de détresse des êtres humains ? Devant toutes ces questions nous devons bien reconnaître notre pauvreté et dire comme les disciples de Jésus : non, Seigneur, nous n'y sommes pas parvenus, nous avons échoué.
Et c'est alors que la Parole de Jésus s'adresse à nous : « jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez ». Il y a toujours à faire, à recommencer, inlassablement. Jésus nous invite à quitter nos lamentations, nos gémissements qui ne servent à rien, et qui nous empêchent d'agir. Il nous demande finalement d'accueillir sa Parole, une Parole de force, de réconfort, de réveil, et surtout d'agir fidèlement avec lui, en croyant, contre vents et marées, qu'Il est toujours là, avec nous, qu'il nous envoie vers nos frères, et qu'il est au cœur de tout ce que nous faisons et disons. Et retenons les paroles de Jésus : « Oui, vous trouverez » ce qui nourrit vraiment votre vie !
Je termine par cette belle invitation au repas de l'Eucharistie, faite par le Ressuscité de Pâques, Jésus lui-même : « venez manger » ! Que tout au long de notre vie sur terre, nous n'oubliions jamais cette invitation vitale pour notre vie de chrétiens !
P.Georges